JEAN JOSEPH GUEN naît le 10 janvier 1922 à Bois-Colombes, en région parisienne. Sa mère, Francine Chauvin, est couturière. Son père, Théodore Guen, travaille comme employé de chemin de fer. Il est le deuxième d'une fratrie de trois enfants comprenant son frère Yves, de deux ans son aîné, et sa sœur cadette, Madeleine, née en 1923. Il passe son enfance à Conflans-Sainte-Honorine.
Peu après l'obtention de son certificat d'étude en juin 1934, Jean intègre l'Atelier-école de plein air à Andrésy, tout comme son frère Yves un an auparavant, pour y suivre des cours d'initiation à divers métiers. Quelques mois après son entrée, il choisit de se spécialiser dans l'ajustage et se familiarise avec les bases du métier : « Je suis ajusteur. Je sais travailler au cinquantième pour faire des queues-d'aronde. » En juin 1936, il obtient son CAP d'ajustage.
UN ÉPISODE déterminant pour l'avenir professionnel de Jean survient au cours de son séjour à l'école d'Andrésy. Un camarade interne lui confie faire passer son ennui en écoutant de la musique grâce à un petit poste à galène fabriqué par son père. Il lui présente l'appareil, qui diffuse un programme de Radio-Luxembourg, en expliquant que le locuteur se trouve à plusieurs centaines de kilomètres. Jean ignore à ce moment-là l'existence de la T.S.F. et croit avoir affaire à un miracle, un « truc de curé » selon ses propres mots. « J'ai regardé comment c'était fait, ça m'a passionné, c'était le coup de foudre ! » Fasciné par cette découverte, il se met rapidement à construire ses premiers postes à galène.
L'ampleur de cette passion pousse Jean à quitter son école en juillet 1936 pour travailler comme câbleur débutant chez le constructeur de postes de radio Raylia situé au 18, rue Ramey à Paris. Il y apprend le montage et le dépannage des postes de radio. Désireux d'en découvrir davantage, il se procure, sur les conseils d'un collègue ingénieur, le livre « Pratique et Théorie de la T.S.F. » de Paul Berché, un ouvrage de référence sur la technique radioélectrique. Puis, il fabrique son premier émetteur-récepteur à ondes courtes sur la bande des 40 mètres et devient radioamateur en communiquant sous l'indicatif F3JG. « Mes parents étaient fiers de moi mais ne le manifestaient pas. »
Engagé en novembre 1937 par la Société Anonyme Des Industries Radioélectriques (la SADIR), spécialisée dans la fabrication d'appareils radio pour la Marine Nationale et l'Armée de l'Air, il travaille comme câbleur dans les ateliers de l'entreprise basés à Puteaux. « J'avais alors déjà deux métiers : ajusteur et dépanneur radio. »
LE 2 OCTOBRE 1938, âgé de 16 ans, Jean intègre l'école des apprentis-marins de Brest, plus connue sous le nom d'École des mousses, installée à bord du navire-école L'Armorique. Il poursuit une formation préparant aux carrières de la marine militaire jusqu'en juillet 1939.
Il obtient son brevet élémentaire de radiotélégraphiste à l'École des marins radios de Lorient le 1er février 1940, puis son certificat de radiotélégraphiste-volant à la base d'aéronautique navale (BAN) d'Hourtin, le 15 mai de la même année. « En sortant de l'armée, j'aurais très bien pu être officier radio dans la Marine marchande ou à Air France [rires]. »
À cette époque où la guerre fait rage, un évènement tragique marque le jeune marin. Le 28 mai 1940, sur ordre de sa hiérarchie, Jean prend son quart à 8 heures du matin sur la passerelle du paquebot M/S Brazza reliant Bordeaux à Pointe-Noire avec une escale à Casablanca. À 8h25, une torpille allemande heurte violemment le navire par tribord et celui-ci sombre en quelques minutes. Jean réussit à sauver sa vie mais perd bon nombre de ses camarades.
Au début de l'année 1941, Jean poursuit son service dans la Marine aux Antilles pour servir comme radio-volant. Il débarque à Fort-de-France, en Martinique, en février 1941. Il apprendra plus tard que sa présence avait pour but de protéger une partie du stock d'or de la Banque de France, transférée loin de la convoitise de l'armée allemande.
Durant l'année 1942, il écrit et joue des pièces de théâtre en compagnie de Georges Godebert, un camarade rencontré à l'école des marins radios, futur directeur artistique de Radio Guadeloupe et producteur de l'émission de radio Le Petit Conservatoire de la chanson. Ensemble, ils animent sous les pseudonymes Georges et Prosper une série d'émissions sur Radio Martinique. Au cours de celles-ci, Jean alias Prosper récite des poèmes, chante ou joue de l'harmonica chromatique. « J'étais le meilleur harmoniciste de la Martinique... J'étais le seul. » s'amuse Jean. « Je jouais le Chant Hindou de Rimsky-Korsakov, je jouais beaucoup de classique, du jazz aussi. Je jouais le Bolero de Ravel, Tiger Rag de Duke Ellington... Et je commentais ce que je ressentais. »
En juin 1942, il participe à l'expostion des produits Antillais de remplacement, censée remédier à une situation de pénurie universelle. À cette occasion, il propose dans son stand un emetteur portatif construit à partir de matériel de récupération. « À un moment, je l'essayais avec les bâtiments où étaient installés mes amis, à 200 mètres, dans les dortoirs. Moi, j'étais à la base, dans le central radio. J'avais un copain qui jouait de la mandoline. J'avais fichu dessus un micro contact que je branchais sur mon petit émetteur. Et là-haut, ils entendaient la mandoline. Sans le savoir, j'avais fabriqué ma première guitare radio-électrique [rires] ! Le micro de contact, c'était quelquefois une pastille de micro-charbon pour les téléphones, parfois c'était simplement un écouteur ou alors le quartz des têtes de tourne-disques. »
Jean quitte les Antilles en octobre 1943. Un an plus tard, alors affecté à la BAN d'Agadir, il est promu second-maître radio-volant. Puis, de retour en métropole au mois de novembre 1944, il occupe la fonction de dépanneur d'appareils de radio et d'ensembles de détection radioélectrique au Groupe Aéronaval n°2, opérant sur le front de l'Atlantique.
Une fois démobilisé en août 1945, il est embauché en tant que technicien par la Société Indépendante de télégraphie sans Fil (la SIF) située à Malakoff.