1946 : DÉBUTS D’UNE ACTIVITÉ ARTISANALE


Création d'une entreprise à Courbevoie

Atelier Stimer
Atelier de Courbevoie, début des années 1950. Collection Jean Guen

EN avril 1946, Jean Guen s'inscrit au registre des métiers et crée une entreprise de construction et dépannage de postes de radio en collaboration avec Paul Pieretti, un ami d'enfance accordéoniste et également passionné de radio. Désormais artisans, ils louent un petit atelier situé 39, rue d'Alençon à Courbevoie et démarrent leur activité sous le nom Établissements Guen et Pieretty. Sur les documents officiels de l'entreprise, Paul fait remplacer le « i » final de son patronyme par un « y » dans le but de le franciser. Lucienne Guen, la belle-sœur de Jean, tient le poste de secrétaire. Dans le contexte de la crise du logement d'après-guerre, Jean s'établit dans une modeste pièce située à l'étage de l'atelier.

Premier microphone pour guitare

Au cours de l'année 1946, un jeune homme accompagné de sa guitare se rend à l'atelier de Courbevoie. Il amplifie son instrument au moyen d'une tête de lecture piezo-électrique posée sur la caisse de résonance et se dit insatisfait de son système qui produit trop d'aigus. Il demande à Jean de lui trouver un moyen d'augmenter les graves de son amplificateur. Jean ne tarde pas à indentifier que le problème provient du capteur piezo-électrique, génèrant peu de graves, et suggère de changer de type de microphone.

Jean effectue ses premiers essais en rapprochant des cordes d'une guitare l'électro-aimant d'un écouteur téléphonique branché à un amplificateur. En utilisant un aimant entouré d'une bobine, suffisamment long pour couvrir l'ensemble des cordes, Jean met au point son tout premier microphone magnétique pour guitare. Il nomme sa création « magnétophone » et n'emploie pas encore le terme de « microphone ». En évoquant sa fabrication, Jean explique : « C'est surtout un problème mécanique : emboutir des tôles, imprimer, percer, tarauder, coller un aimant, faire un circuit magnétique. On appelle ça de l'électromécanique. En électricité, il n'y a que du fil à bobiner. [...] Il y avait du chromage, mettre des potentiomètres, mais ce n'est pas grand chose. »

facture n°1
Facture n°1 du 10 décembre 1946 destinée à la boutique Major. Collection MuPop (don Jean Guen)

Grâce au bouche à oreille, d'autres musiciens désireux d'équiper leur guitare du même type de microphone magnétique se présentent à l'atelier. « Alors là, j'ai été obligé de faire un outil à emboutir et un outil à découper. C'est là que les études que j'avais faites à l'école d'Andrésy m'ont servi. » La même année, les Établissements Guen et Pieretty fournissent le grossiste Major, futur Major Conn, situé au 3, rue Duperré à Paris, près de la place Pigalle.

NAISSANCE DE LA MARQUE STIMER


Stimer : une origine sans lien avec la musique

DANS les années 1940, les automobilistes ont l'obligation de maintenir allumés les feux de positions de leur véhicule en stationnement sur la voie publique, et ce dès la tombée de la nuit. Cette réglementation a pour conséquence de limiter considérablement la durée de fonctionnement des batteries de voiture, appelées également accumulateurs. Pour palier à ce problème, Jean crée un appareil portatif permettant de fournir facilement de l'énergie électrique aux batteries de voiture. « Ma publicité, c'était "démarrez au quart de tour !". » se souvient Jean.

Cet appareil, doté de deux pinces crocodiles assurant la connexion avec la batterie ainsi qu'un câble d'alimentation électrique, peut, grâce à sa petite taille, se fixer à l'intérieur de la voiture à l'aide de deux vis. Jean envisage d'abord d'appeler ce chargeur d'accumulateur « Stimul » par allusion à son action qui consiste à stimuler la batterie. « Mais on avait l'habitude des consonances anglo-saxonnes et j'ai pensé que "Stimer" convenait mieux au langage de cette époque. » La marque Stimer apparaît au début de l'année 1947.

Prospectus présentant le chargeur d'accus Stimer Prospectus présentant le chargeur d'accus Stimer
Prospectus de la fin des années 1940 présentant le chargeur d'accumulateur Stimer. Collection Jean Guen
Facture n°70
Facture n°70 du 18 octobre 1947 pour la vente de cinq chargeurs d'accumulateur. Collection MuPop (don Jean Guen)
Facture n°221
Facture n°221 du 17 janvier 1949, première portant l'entête « Établissements Guen Frères ». Collection MuPop (don Jean Guen)

Arrivée d'Yves Guen dans l'entreprise

Vers 1948, Jean décide d'embaucher son frère Yves, un bon mécanicien qui travaille à ce moment-là comme vendeur de fruits et légumes ambulant. Peu de temps après son arrivée, Paul Pieretti démissionne. Les deux frères décident de s'associer. L'entreprise change alors de nom pour devenir les Établissements Guen Frères. « Mon frère m'a été d'un grand secours parce que je suis un inventeur, un rêveur... Mais je ne suis pas le type à faire du fric. Je suis comme tous les types qui créent : on crée parce qu'on aime bien. » reconnait Jean, moins pragmatique que son frère aîné, au risque de perdre parfois le sens des priorités : « Major Conn m'avait commandé dix amplificateurs. J'étais content de faire une série comme ça, mais je m'intéressais déjà plus aux chambres d'écho. [Edith] Piaf, quand elle chantait, c'était aérien à certains moments. C'était des chambres d'écho qui donnaient une réverbération. Je voulais en faire avec un magnétophone. Mais mon frère me poussait à finir la série, il m'emmerdait ! Sa qualité, c'est que c'était un bon gestionnaire. »

Jean Guen contrôlant les tensions d'un amplificateur
Jean Guen contrôle les tensions d'un amplificateur avant son montage en malette, au début des années 1950. Collection Jean Guen
Lucienne Guen tapant le courrier à la machine
Lucienne Guen tape à la machine à écrire le courrier destiné aux clients, au début des années 1950. Collection Jean Guen
Yves Guen prend une pause
Yves Guen prend une pause, au début des années 1950. Collection Jean Guen
Famille Guen devant l'atelier Stimer
Jean Guen, en famille devant son atelier et domicile au début des années 1950. Christian Guen, le petit garçon sur la photo, a lancé en 2014 une réédition des anciens microphones Stimer. Collection Jean Guen

LES MICROPHONES ET AMPLIFICATEURS STIMER


Premier microphone industriel Stimer : le ST 48

Croquis du microphone ST 48
Croquis du ST 48 réalisé de mémoire par Jean Guen à l'âge de 93 ans. Collection Nicolas Pellet

TOUJOURS en 1948, Jean met au point son premier microphone industriel de marque Stimer, le Standard 48, plus connu sous le nom de ST 48. Ce modèle est produit en grande série. Produit phare de la marque, le ST 48 est adopté par de nombreux musiciens.

Présenté dans un boîtier en métal chromée, le ST 48 est un microphone à simple bobinage. « Le double bobinage, c'est pour empêcher les ronflements, explique Jean. Mais comme ça compliquait la fabrication et que la clientèle n'en demandait pas, on a fait que du simple bobinage. » Il possède un bouton intégré, fixé à l'extrémité du boîtier, permettant de régler le volume de l'amplificateur directement à partir du microphone. Il se pose au niveau de la rosace de la guitare, sous les cordes, au moyen de vis. Un câble blindé sous caoutchouc permet une liaison à haute impédance avec n'importe quel amplificateur. La marque Stimer est gravée sur le boîtier.

Premiers amplificateurs industriels Stimer

Croquis du microphone ST 48
Amplificateur P 8. Collection MuPop

Au même moment, une série d'amplificateurs de marque Stimer voit le jour. Les trois premiers modèles industriels sont baptisés le M 6, le P 8, renommé plus tard le M 8, et le M 12, respectivement d'une puissance de 6, 8 et 12 watts, pesant entre 4,5 et 9 kg.

Ces appareils sont équipés de haut-parleurs français de marque Véga et de lampes Visseaux, également françaises. Les Établissements Vedovelli, Rousseau & Cie, basés à Suresnes, sont les principaux fournisseurs de transformateurs. Les commandes, accessibles à l'arrière de la malette, sont situées sur la face avant du châssis, légèrement inclinée en forme de pupitre. Outre l'entrée pour microphone, ils possèdent une entrée supplémentaire pour tourne-disque. Un rouleau de toile permet de protéger le haut-parleur pendant les déplacements. Quatre taquets sont disposés à l'intérieur du couvercle afin de faciliter l'enroulement des câbles. Le M 12 dispose également d'une sortie pour l'adjonction d'un haut-parleur supplémentaire. Un boîtier mélangeur permettant le branchement de quatre microphones sur un même amplificateur élargit peu après l'offre de l'entreprise.

Catalogue Stimer Catalogue Stimer
Premier catalogue présentant les microphone et amplificateurs Stimer. En couverture la première mouture du ST 48, sans indication de marque, vissé sur une guitare. Collection Jean Guen

Un avant-gardisme qui peine à séduire

Bien que la concurrence soit presque inexistante en ce temps-là - les microphones et amplificateurs RV (Radio Vidéo) produits par Steve Brammer et distribués par la maison Major-Conn n'apparaîtrons que vers 1952/1953 -, les débuts sont difficiles. Jean se heurte à la réticence de nombreux musiciens et revendeurs face à ses créations d'un genre nouveau. Il se souvient de ses premiers démarchages infructueux : « Je me rappelle être allé voir un luthier rue de Rome avec mon amplificateur et une guitare sur laquelle j'avais mis un micro. Au bout d'un quart d'heure de démonstration devant ses amis, il me dit : "Non, je suis désolé, vous allez à l'encontre de ce que nous cherchons". Je suis parti la queue entre les pattes. Les magasins de musique n'en voulaient pas ! Je me rappelle être allé voir Paul Beuscher. J'avais rendez-vous. Je passais avant Emile Prud'Homme, accordéonniste très connu à ce moment-là. Monsieur Seiller père [Roger Seiller était directeur des éditions musicales Paul Beuscher] me reçoit sans me faire rentrer dans son bureau et me dit : "Qu'est-ce-que c'est que ça ?" Je lui dis : "C'est une guitare électrique". Il ne m'a même pas fait essayer. Il me demande si ça a de l'avenir. Je lui dis que je crois. Il prend à témoin le guitariste d'Emile Prud'Homme et lui demande : "Qu'est-ce que t'en penses de la guitare électrique ?". Il répond : "C'est de la connerie !" Je suis encore parti la queue entre les pattes. Mais Paul Beuscher a été un des mes plus gros clients après. »

En 1950, Jean fabrique ses premières guitares électriques à corps plein, sans caisse de résonance. À la vue de cet instrument peu familier, certains se montrent moqueurs. « On nous tournait en ridicule [...] On me disait que c'était bien pour battre le linge » se souvient Jean. « La première guitare [plate] que j'ai vendue, c'était à un musicien qui jouait au Gaumont-Palace, sur la place Clichy. Je l'ai accompagné en voiture à sa répétition. Une fois que c'était terminé, on a commencé à parler de guitare électrique avec le chef d'orchestre. Il ne connaissait pas. Ça semble aberrant maintenant mais c'était comme ça ! Je lui explique que c'était une guitare électrique sans caisse de résonance. Mon client lui a montré sa guitare dont il était très fier. Le chef dit : "Aaah, c'est pour ça que j'entendais des sons d'orgue alors que ça devait être de la guitare !" On faisait des sons plus graves à ce moment-là, on recherchait l'orgue. C'était une question de tour de bobinage. On peut moduler avec l'électronique. » Ces modèles, ne rencontrant pas un vif succès, sont peu commercialisés.

Foire de Paris 1951
Yves Guen et son épouse Lucienne, sur le stand Stimer de la Foire de Paris en 1951. Une guitare électrique plate sans caisse de résonance, à gauche sur la photographie, est exposée à cette occasion. À droite, on distingue une guitare hawaïenne posée sur le présentoir. Collection Jean Guen
Prototype de guitare solid body Stimer
Jean Guen présente, en mai 1998, un ancien prototype de guitare électrique Stimer sans caisse de résonnace, similaire au modèle exposé lors de la Foire de Paris de 1951. Il est aujourd'hui exposé au Musée des Musiques Populaires (MuPop) de Montluçon. Photo et collection Marc Touché

En mai 1950, les créations de Jean s'exposent pour la première fois à la Foire de Paris, installée au parc des exposition de la porte de Versailles. Quelques mois plus tard, en décembre 1950, la maison Stimer participe au premier Salon International du Jazz à Paris, situé à la Maison de la Chimie (centre Marcelin-Berthelot).

Dans les salons, beaucoup ne perçoivent pas son avant-gardisme. « À la foire de Paris, il y avait deux dingues [...] Il y avait moi, et il y avait un autre qui s'appelait [Georges] Jenny. Eh bien ce gars-là, il avait fait un instrument qu'on appelait l'Ondioline. C'était un petit clavier qui jouait de la trompette, du cor de chasse et tout un tas de trucs. Alors lui, on le prenait pour un clown. Moi, on me prenait pour un barjot. »

Première publicité dans la revue <i>Jazz Hot</i>
Première publicité Stimer parue dans la revue Jazz-Hot, en avril 1949. Le produit est présenté comme venant d'Amérique pour séduire la clientèle. Collection Nicolas Pellet

Afin d'assurer la promotion des appareils Stimer, les frères Guen confient leurs publicités à des magazines spécialisés tels que les mensuels Jazz Hot et Revue de l'Accordéoniste avec lesquels ils collaboreront durant de nombreuses années.

Un tournant : la rencontre avec Django Reinhardt

Django Reinhardt devient le premier promoteur de la marque Stimer. À la fin de l'année 1950, il s'équipe d'un microphone ST 48 et d'un amplificateur M 12. Jean se rappelle de cette rencontre déterminante : « Django Reinhardt, c'est quand je l'ai rencontré que ça a démarré dur. Parce que tout le monde me boudait ! Il y a ceux qui me croyaient et ceux qui ne me croyaient pas. Un jour, Django est venu avec sa manager à Courbevoie, rue d'Alençon. Ils m'ont demandé si je pouvais m'occuper de lui. Il a marché avec moi. Puis j'ai fait de la publicité avec Django Reinhardt. Alors à ce moment-là, tout un tas de gars sont venus me voir et ça a commencé à monter, monter...  » Au mois de février 1951, les lecteurs du magazine Jazz Hot découvrent la première publicité Stimer associant la marque au célèbre guitariste. Au début de l'année 1953, ce dernier est photographié par Hervé Derrien dans sa maison de Samois pour les besoins d'une publicité Stimer qui parait dans les numéros du mois d'avril 1953 de Jazz Hot et de Revue de l'Accordéoniste.

Django Reinhardt et Jean Guen
Jean Guen et Django Reinhardt photographiés au domicile du guitariste à Samois-sur-Seine, en 1953. Photo Hervé Derrien

Avant cette collaboration, Django Reinhardt, à l'occasion d'une visite au magasin Major, avait déjà essayé un microphone Stimer. Jean se souvient d'une expérience peu concluante : « C'était avant que je travaille avec Django moi-même. Madame Deshaies [selon Jean Guen, le couple Deshaies étaient les gérants du magasin Major à la fin des années 1940] voulaient lui vendre des micros de guitare. Ils travaillaient ensemble point de vue publicité. Il y avait un attroupement formidable et il y avait Django en train d'essayer la guitare électrique [guitare acoustique avec microphone magnétique ajouté], une des premières que j'avais faites. Django commence à jouer et dit : "C'est marrant, la chanterelle, elle marche pas ?!" Alors Monsieur Deshaies demande d'amener une corde neuve. "Toc, toc, toc." Ça n'allait pas. Ils ont changé 5-6 fois de corde, ça ne marchait pas... Pendant la guerre, il n'était pas question de faire des cordes de guitare ou de violon avec du chrome dedans pour éviter que ça rouille. C'était comme de la corde à piano, du pur acier. Aussitôt qu'il y avait de l'humidité sur les doights, ça rouillait. Alors, ils [les fabricants de cordes] ont fait des cordes au chrome qui ne rouillaient pas. Mais l'emmerdement, c'est qu'à un certain pourcentage, ça n'est plus magnétique ! Ça avait été un drame pour moi ! J'avais essayé de faire un truc avec jack double de façon à envoyer un courant dans la bobine pour magnétiser la corde... »

À cette même époque, les guitaristes Jean Bonal, Jean-Pierre Sasson et Henri Crolla adoptent des appareils Stimer. De passage à Paris vers la fin de l'année 1952, le guitariste américain Les Paul rend une brève visite à Jean dans son atelier : « Les Paul est venu avec Django. Lui et Mary Ford, sa femme, m'ont acheté deux micros de guitare et un amplificateur. Puis, je les ai conduits au Bourget. Ils devaient jouer le soir au Palladium de Londres. Ça a été vite fait. Quand j'ai raconté ça au magazine Jazz Hot, ils m'ont dit : "Vous êtes complètement cinglé ?! Les Paul et Django qui viennent chez vous, ça aurait fait une publicité formidable !" Je ne pensais pas à ça, je ne suis pas le commerçant type. » Par la suite, d'autres musiciens de renom comme Roger Chaput ou encore Joseph Reinhardt, frère de Django, feront appel aux Établissements Guen Frères pour leur fournir du matériel d'amplification.

Hommage à Django Reinhardt
Hommage de Jean Guen rendu à Django Reinhardt publié dans Revue de l'Accordéoniste, en juin 1953. Collection Nicolas Pellet

Le microphone S 51 et autres modèles

Alors que la pose du ST 48 sur la guitare nécessite de percer la table d'harmonie, Jean développe un microphone se plaçant sur l'instrument au moyen d'une tige reliée à deux plaquettes placées entre le cordier et le chevalet. « Les types ne voulaient pas de trous alors il fallait trouver autre chose. Une tige permettait de positionner le micro à une certaine longueur et il tenait par pression. Et ça ne bousillait pas la guitare ! » Un modèle préliminaire apparaît en 1949 sous le nom ST 49. Une version définitive prend forme en 1951 : le S 51.

Salon entre 1949 et 1950
Les frères Guen sur un stand entre 1949 et 1950. On apercoit, posé sur la guitare de gauche, le microphone modèle ST 49, prototype du S 51. Il se différencie de ce dernier par l'absence de tige coulissante. Collection Jean Guen
Microphone S 51
Le S 51, fixé grâce à deux plaquettes pinçant les cordes sous le chevalet. Collection Jean Guen

Le microphone S 51 présente les mêmes caractéristiques techniques que le ST 48 avec l'avantage de se fixer sur la guitare sans l'abîmer. D'une conception plus complexe que le ST 48, son prix est aussi plus élevé. La tige coulissante permet de régler la hauteur du microphone et d'obtenir ainsi différentes sonorités. Le bouton de réglage de puissance est quant à lui séparé du microphone, positionné sur un boîtier relié à la patte de fixation.

Vers 1953, l'entreprise dévoile l'amplificateur modèle M 10, d'une puissance de 10 watts. L'appareil arbore la livrée jaune et marron caractéristique de la marque ainsi qu'un nouveau logo. Aussi léger que le M 8, il dispose de deux entrées pour microphone avec des réglages indépendants et d'un nouveau système d'ouverture par l'arrière dépourvu de boucles de serrage. Les amplificateurs M 6 et M 12 restent commercialisés. Ils adoptent la même apparence que leur petit frère. Le premier s'équipe d'une entrée supplémentaire pour microphone tandis que la puissance du second est portée à 18 watts.

Amplificateur M 6
Amplificateur Stimer modèle M 6 présenté dans sa version post-1952. Cet aspect plus moderne n'est pas sans rappeler la façade d'un téléviseur. Collection MuPop
Foire de Paris 1953
Stand Stimer lors de la foire de Paris de 1953. Au second plan, on aperçoit les stands de Paul Beuscher, célèbre vendeur parisien d'instruments de musique, et Georges Jenny, inventeur du clavier électronique appelé l'Ondioline. Collection Jean Guen

La même année, Jean termine la mise au point d'un microphone pour accordéon possédant deux boutons pour le réglage de la puissance et de la tonalité, et qui se fixe facilement sur l'instrument grâce à quatre tiges filetées.

Foire de Paris 1955
Stand Stimer lors de la foire de Paris de 1955. À droite, l'accordéon est équipé du microphone accordéon, créé en 1953. Au centre, l'amplificateur avec toile trapézoïdale est probablement une version préliminaire du modèle Nuance. Collection Jean Guen
Amplificateur Nuance
L'amplificateur Stimer modèle Nuance, créé en 1955 et muni d'un changeur de timbre accessible sans ouvrir l'arrière de l'appareil. Collection Jean Guen

À la fin de l'année 1955, un amplificateur de 18 watts pour guitare baptisé Nuance, doté d'un changeur de timbre, complète la gamme des appareils Stimer. Il en existe deux versions, avec ou sans vibrato électronique télécommandé. Ce modèle comprend trois entrées pour microphone. Le tableau de commande est pour la première fois placé en haut de l'amplificateur, à portée de main.

Facture n°3229
Facture n°3229 datée du 28 juin 1956 pour la vente d'un microphone pour accordéon. Collection Jean Guen
Facture n°4280
Facture n°4280 datée du 30 décembre 1957 pour la vente de trois microphones ST 48. Collection Jean Guen

LES INTERPRÉTATIONS SIMULTANÉES STIMER


L'expérience des Nations Unies

Jean Guen durant l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1951
Jean Guen, à l'extrême gauche au deuxième rang , en compagnie de ses collègues de travail au palais Chaillot à Paris lors de la sixième session de l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1951. Collection Jean Guen

PARALLÈLEMENT à ses occupations à Courbevoie, Jean est engagé en septembre 1948 en qualité de technicien du son au palais de Chaillot à Paris qui accueille la troisième session de l'Assemblée générale des Nations Unies, grâce à l'intermédiaire de son ami Georges Godebert évoqué précédemment. Trois ans plus tard, Jean reprend ces mêmes fonctions dans le cadre de la sixième Assemblée générale.

Au cours de ces rassemblements, Jean travaille sur un système de traduction simultanée pour conférence permettant aux participants d'entendre dans leur casque la traduction d'un discours tenu dans une langue étrangère, et ce de manière instantanée.

Création d'un service de traduction simultanée

Suite à cette expérience, Jean décide de joindre à son activité un service d'interprétation simultanée. Il entreprend la fabrication d'un appareil de traduction facilement transportable, destiné à la location pour les conférences d'organisations internationales.

Cet appareil comporte un ensemble de microphones pour orateurs ainsi qu'une mallette contenant 4 amplificateurs et l'appareillage de contrôle. L'audition se fait à l'aide d'écouteurs stéthoscopiques ultra légers branchés à une rampe sur laquelle se trouvent des commutateurs permettant aux congressistes de sélectionner le langage désiré. Les interprètes, installés à l'intérieur d'une cabine, sont dotés d'un pupitre avec microphone intégré. De là, ils peuvent utiliser un autre circuit que celui de l'orateur, permettant ainsi la traduction.

Écouteur et rampe
Microphone pour interprète. Collection et photo Caroline Pellet
Microphone orateur
Microphone pour orateur. Collection et photo Caroline Pellet
Écouteur et rampe
Écouteur stéthoscopique branché sur une rampe permettant de modifier la langue de traduction. Collection et photo Caroline Pellet
Chevalets
Chevalets permettant d'identifier les délégations présentes. Collection et photo Caroline Pellet
Malette vue de face
La malette vue de face. Collection et photo Caroline Pellet
Vue arrière de la malette
Vue arrière de la malette. Collection et photo Caroline Pellet
Vue latérale de la malette
Vue latérale de la malette. Collection et photo Caroline Pellet
Vue rapprochée des amplificateurs
Vue rapprochée des quatre amplificateurs. Collection et photo Caroline Pellet

Au début de l'année 1954, Jean démarche plusieurs institutions internationales et leur propose de prendre en charge le dispositif de traduction simultanée de leurs conférences. Il choisit la revue Associations Internationales publiée par l'Union des Associations Internationales comme support publicitaire.

Par la suite, il travaille pour des organisations telles que l'OTAN au Palais Chaillot en mai 1954, le Mouvement Européen (Secrétariat International de la Jeunesse) à Cap-d'Ail durant l'été 1954, ou encore la Société du Verre Textile à Aix-les-Bains en septembre 1957.

Circulaire
Circulaire vantant les mérites de l'appareil de traduction simultanée Stimer. Imprimées en plusieurs centaines d'exemplaires, elle a été envoyée aux organtisations internationales de par le monde. Collection Jean Guen
Conférence du Conseil National de l'Ordre National des Médecins en 1955
Jean Guen, à droite, assurant la partie technique d'un congrès organisé par l'Ordre National des Médecins dans le grand amphitéâtre de la faculté de Médecine de Paris, en octobre 1955. Chaque interprète est isolé dans une des quatre cabines. Collection Jean Guen

FIN DE L’AVENTURE STIMER


Séparation des frères Guen

AU COURS de l'année 1957, Jean et Yves Guen décident de cesser leur collaboration. Les deux frères procèdent au partage du parc d'appareils Stimer, soumis au régime de l'indivision. Ils passent un accord stipulant la propriété des amplificateurs et de l'appareillage de traduction simultanée à Jean, tandis qu'Yves conserve les microphones. Début janvier 1958, l'entreprise se scinde, donnant naissance à deux comptes distincts.

Cette séparation ouvre la question de l'avenir de la marque Stimer. Jean se souvient des conventions verbales qui sont intervenues à ce moment : « Je lui [à Yves] ai dit : "Qu'est ce qu'on fait de Stimer ?" Parce que c'était aussi connu que Philips ! On vendait dans le monde entier, dans les colonies : en Indochine... On vendait en Angleterre, en Allemagne... Je lui ai proposé qu'il prenne "Stimer France" et moi "Stimer Véritable", ou vice versa. » Devant le refus de son frère, Jean s'engage à abandonner progressivement la marque Stimer : «  Je ne voulais pas garder Stimer car cela me mettait en supériorité vis-à-vis de mon frère. » 

Devenir d'Yves Guen

Tarif Stimer Yves Guen
Tarif des microphones Stimer proposés par Yves Guen au début des années 1960. Collection Jean Guen

Yves installe sa nouvelle affaire, les Etablissements Yves Guen, au 13, avenue Montesquieu à Maisons-Laffitte et entreprend la fabrication de nouveaux microphones pour guitare : les modèles Django et SYG 2 à prise de son réglable puis le S 60, composé de 2 microphones. Il met également au point plusieurs microphones destinés à d'autres instruments tels qu'un modèle pour violon, le modèle Clarence pour instruments à cordes en boyau et nylon ainsi que le modèle Électrode pour accordéon.

L'entreprise d'Yves déménage ensuite au 11, rue de la Convention à Sartrouville vers la fin de l'année 1960. Yves, rejoint par son fils Christian en 1971, continue d'exploiter la marque Stimer jusqu'à sa mort en 1986.